A Lanchperch je quittai la Baviere pour entrer en Souabe, et passai par Meindelahan (Mindelheim), qui est au duc; par Mamines (Memingen), ville d’Empire, et de la a Walpourch, l’un des chateaux de messire Jacques. Il ne s’y rendit que trois jours apres moi, parce qu’il vouloit aller visiter dans le voisinage quelques-uns de ses amis; mais il donna ordre a ses gens de me traiter comme ils le traiteroient lui-meme.
Quand il fut revenu nous partimes pour Ravespourch (Rawensburg), ville d’Empire; de la a Martorf, a Mersporch (Mersbourg), ville de l’eveque de Constance, sur le lac de ce nom. Le lac en cet endroit peut bien avoir en largeur trois milles d’Italie. Je le traversai et vins a Constance, ou je passai le Rhin, qui commence a prendre la son nom en sortant du lac.
C’est dans cette ville que se separa de moi messire Jacques Trousset. Ce chevalier, l’un des plus aimable et des plus vaillans de l’Allemagne, m’avoit fait l’honneur et le plaisir de m’accompagner jusque-la pour egard pour mondit seigneur le duc; il m’eut meme escorte plus loin, sans un fait d’armes auquel il s’etoit engage: mais il me donna pour le suppleer un poursuivant, qu’il chargea de me conduire aussi loin que je l’exigerois.
Ce fait d’armes etoit une enterprise formee avec le seigneur de Valse. Tous deux s’aiment comme freres, et il devoient jouter a fer de lance, avec targe et chapeau de fer, selon l’usage du pays, treize contre treize, tous amis et parens. Il est parfaitement muni d’armes pour joutes et batailles. Lui-meme me les avoit montrees dans son chateau de Walporch. Je pris conge de lui, et le quittai avec bien du regret.
De Constance je vins a Etran (Stein), ou je passai le Rhin; a Chaufouze (Schaffouse), ville de l’empereur; a Vualscot (Waldshutt); a Laufemberg (Lauffembourg); a Rinbel (Rhinfeld), toutes trois au duc Frederic d’Autriche, et a Bale, autre ville de l’Empereur ou il avoir envoye comme son lieutenant le duc Guillaume de Baviere, parce que le saint concile y etoit assemble.
Le duc voulut me voir, ainsi que madame la duchesse son epouse. J’assistai a une session du concile ou furent presens monseigneur le cardinal de Saint-Ange, legat de notre saint pere la pape Eugene; sept autres cardinaux, plusieurs patriarches, archeveques et eveques. J’y vis des gens de mondit seigneur le duc, messire Guillebert de Lannoy, seigneur de Villerval, son ambassadeur; maitre Jean Germain, et l’eveque de Chalons. J’eus un entretien avec ledit legat, qui me fit beaucoup de questions sur les pays que j’avois vus, et particulierement sur la Grece; il me parut avoir fort a coeur la conquete de ce pays, et me recommanda de repeter a mondit seigneur, touchant cette conquete, certaines choses que je lui avois racontees.
A Bale je quittai mon poursuivant, qui retourna en Autriche; et moi, apres avoir traverse la comte de Ferette, qui est au duc Frederic d’Autriche, et passe par Montbeliart, qui est a la comtesse de ce nom, j’entrai dans la comte de Bourgogne (la Franche-comte), qui appartient a monseigneur le duc, et vins a Besancon.


