A Selection from the Comedies of Marivaux eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 327 pages of information about A Selection from the Comedies of Marivaux.

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LE MARQUIS.

En effet, quand on le dit naivement comme on le sent...

LA COMTESSE.

Il n’y a point de mal alors.  On a toujours bonne grace:  voila ce que je pense.  Je ne suis pas une ame sauvage.

LE MARQUIS.

Ce seroit bien dommage.  Vous avez la plus belle sante.

LA COMTESSE, a part.

Il est bien question de ma sante. (Haut.) C’est l’air de la campagne.

LE MARQUIS.

L’air de la ville vous fait de meme l’oeil le plus vif, le teint le plus frais!

LA COMTESSE.

Je me porte assez bien.  Mais savez-vous bien que vous me dites des douceurs sans y penser?

LE MARQUIS.

Pourquoi sans y penser?  Moi, j’y pense.

LA COMTESSE.

Gardez-les pour la personne que vous aimez.

LE MARQUIS.

Eh! si c’etoit vous, il n’y auroit que faire de[68] les garder.

LA COMTESSE.

Comment! si c’etoit moi?  Est-ce de moi dont il s’agit?  Est-ce une declaration d’amour que vous me faites?

LE MARQUIS.

Oh! point du tout.

LA COMTESSE.

Eh! de quoi vous avisez-vous donc de m’entretenir de mon teint, de ma sante?  Qui est-ce qui ne s’y tromperoit pas?

LE MARQUIS.

Ce n’est que facon de parler.  Je dis seulement qu’il est facheux que vous ne vouliez ni aimer, ni vous remarier, et que j’en suis mortifie, parce que je ne vois pas de femme qui me puisse convenir autant que vous.  Mais je ne vous en dis mot, de peur de vous deplaire.

LA COMTESSE.

Mais, encore une fois, vous me parlez d’amour.  Je ne me trompe pas, c’est moi que vous aimez:  vous me le dites en termes expres.

LE MARQUIS.

He bien, oui.  Quand ce seroit vous, il n’est pas necessaire de se facher.  Ne diroit-on pas que tout est perdu?  Calmez-vous.  Prenez[69] que je n’aie rien dit.

LA COMTESSE.

La belle chute!  Vous etes bien singulier.

LE MARQUIS.

Et vous de bien mauvaise humeur.  Eh! tout a l’heure, a votre avis, on avoit si bonne grace a dire naivement qu’on aime!  Voyez comme cela reussit!  Me voila bien avance!

LA COMTESSE.

Ne le voila-t-il pas[70] bien recule?  A qui en avez-vous?  Je vous demande a qui vous parlez.

LE MARQUIS.

A personne, Madame.  Je ne dirai plus mot.  Etes-vous contente?  Si vous vous mettez en colere contre tous ceux qui me ressemblent, vous en querellerez bien d’autres.

LA COMTESSE, a part.

Quel original! (Haut.) Eh! qui est-ce qui vous querelle?

LE MARQUIS.

Ah! la maniere dont vous me refusez n’est pas douce.

LA COMTESSE.

Allez, vous revez.

LE MARQUIS.

Courage.  Avec la qualite d’original dont vous venez de m’honorer tout bas, il ne me manquoit plus que celle de reveur.  Au surplus, je ne m’en plains pas.  Je ne vous conviens point:  qu’y faire?  Il n’y a plus qu’a me taire, et je me tairai.  Adieu, Comtesse; n’en soyons pas moins bons amis, et du moins ayez la bonte de m’aider a me tirer d’affaire avec Hortense. (Il s’en va.)

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