A Selection from the Comedies of Marivaux eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 327 pages of information about A Selection from the Comedies of Marivaux.

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DORANTE.

Ma foi, je n’etois pas venu dans ce dessein-la, je te l’avoue; tout valet que je suis, je n’ai jamais eu de grande liaison avec les soubrettes:  je n’aime pas l’esprit domestique; mais, a ton egard, c’est une autre affaire.  Comment donc! tu me soumets; je suis presque timide; ma familiarite n’oseroit s’apprivoiser avec toi; j’ai toujours envie d’oter mon chapeau[75] de dessus ma tete, et, quand je te tutoie, il me semble que je joue:[76] enfin j’ai un penchant a te traiter avec des respects qui te feroient rire.  Quelle espece de suivante es-tu donc, avec ton air de princesse?

SILVIA.

Tiens, tout ce que tu dis avoir senti en me voyant est precisement l’histoire de tous les valets qui m’ont vue.

DORANTE.

Ma foi, je ne serois pas surpris quand ce seroit aussi l’histoire de tous les maitres.

SILVIA.

Le trait est joli, assurement; mais, je te le repete encore, je ne suis pas faite aux cajoleries de ceux dont la garde-robe ressemble a la tienne.

DORANTE.

C’est-a-dire que ma parure ne te plait pas?

SILVIA.

Non, Bourguignon; laissons-la l’amour, et soyons bons amis.

DORANTE.

Rien que cela?  Ton petit traite n’est compose que de deux clauses impossibles.

SILVIA, a part.

Quel homme pour un valet! (Haut.) Il faut pourtant qu’il s’execute; on m’a predit que je n’epouserai jamais qu’un homme de condition, et j’ai jure depuis de n’en ecouter jamais d’autres.

DORANTE.

Parbleu! cela est plaisant![77] Ce que tu as jure pour homme, je l’ai jure pour femme, moi:  j’ai fait serment de n’aimer serieusement qu’une fille de condition.

SILVIA.

Ne t’ecarte donc pas de ton projet.

DORANTE.

Je ne m’en ecarte peut-etre pas tant que nous le croyons:  tu as l’air bien distingue, et l’on est quelquefois fille de condition sans le savoir.

SILVIA.

Ah! ha! ha!  Je te remercierois de ton eloge si ma mere n’en faisoit pas les frais.

DORANTE.

Eh bien! venge-t-en sur la mienne, si tu me trouves assez bonne mine pour cela.

SILVIA, a part.

Il le meriteroit. (Haut.) Mais ce n’est pas la de quoi il est question:  treve de badinage.  C’est un homme de condition qui m’est predit pour epoux, et je n’en rabattrai rien.

DORANTE.

Parbleu! si j’etois tel, la prediction me menacerait; j’aurois peur de la verifier.  Je n’ai pas de foi a l’astrologie, mais j’en ai beaucoup a ton visage.

SILVIA, a part.

Il ne tarit point. (Haut.) Finiras-tu?  Que t’importe la prediction, puisqu’elle t’exclut?

DORANTE.

Elle n’a pas predit que je ne t’aimerois point.

SILVIA.

Non, mais elle a dit que tu n’y gagnerois rien; et moi, je te le confirme.

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