La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Ce n’est pas un morceau d’une cime; ce n’est
  Ni l’outre ou tout le vent de la Fable tenait,
  Ni le jeu de l’eclair; ce n’est pas un fantome
  Venu des profondeurs aurorales du dome;
  Ni le rayonnement d’un ange qui s’en va,
  Hors de quelque tombeau beant, vers Jehovah;
  Ni rien de ce qu’en songe ou dans la fievre on nomme. 
  Qu’est-ce que ce navire impossible?  C’est l’homme.

  C’est la grande revolte obeissante a Dieu! 
  La sainte fausse clef du fatal gouffre bleu! 
  C’est Isis qui dechire eperdument son voile! 
  C’est du metal, du bois, du chanvre et de la toile,
  C’est de la pesanteur delivree, et volant;
  C’est la force alliee a l’homme etincelant,
  Fiere, arrachant l’argile a sa chaine eternelle;
  C’est la matiere, heureuse, altiere, ayant en elle
  De l’ouragan humain, et planant a travers
  L’immense etonnement des cieux enfin ouverts!

  Audace humaine! effort du captif! sainte rage! 
  Effraction enfin plus forte que la cage! 
  Que faut-il a cet etre, atome au large front,
  Pour vaincre ce qui n’a ni fin, ni bord, ni fond,
  Pour dompter le vent, trombe, et l’ecume, avalanche? 
  Dans le ciel une toile et sur mer une planche.

  Jadis des quatre vents la fureur triomphait;
  De ces quatre chevaux echappes l’homme a fait
      L’attelage de son quadrige;
  Genie, il les tient tous dans sa main, fier cocher
  Du char aerien que l’ether voit marcher;
      Miracle, il gouverne un prodige.

  Char merveilleux! son nom est Delivrance.  Il court
  Pres de lui le ramier est lent, le flocon lourd;
      Le daim, l’epervier, la panthere
  Sont encor la, qu’au loin son ombre a deja fui;
  Et la locomotive est reptile, et, sous lui,
      L’hydre de flamme est ver de terre.

  Une musique, un chant, sort de son tourbillon. 
  Ses cordages vibrants et remplis d’aquilon
      Semblent, dans le vide ou tout sombre,
  Une lyre a travers laquelle par moment
  Passe quelque ame en fuite au fond du firmament
      Et melee aux souffles de l’ombre.

  Car l’air, c’est l’hymne epars; l’air, parmi les recifs
  Des nuages roulant en groupes convulsifs,
      Jette mille voix etouffees;
  Les fluides, l’azur, l’effluve, l’element,
  Sont toute une harmonie ou flottent vaguement
      On ne sait quels sombres Orphees.

  Superbe, il plane avec un hymne en ses agres;
  Et l’on croit voir passer la strophe du progres. 
      Il est la nef, il est le phare! 
  L’homme enfin prend son sceptre et jette son baton. 
  Et l’on voit s’envoler le calcul de Newton
      Monte sur l’ode de Pindare.

  Le char haletant plonge et s’enfonce dans l’air,
  Dans l’eblouissement impenetrable et clair,
      Dans l’ether sans tache et sans ride;
  Il se perd sous le bleu des cieux demesures;
  Les esprits de l’azur contemplent effares
      Cet engloutissement splendide.

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