La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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AU LION D’ANDROCLES

  La ville ressemblait a l’univers.  C’etait
  Cette heure ou l’on dirait que toute ame se tait,
  Que tout astre s’eclipse et que le monde change. 
  Rome avait etendu sa pourpre sur la fange. 
  Ou l’aigle avait plane, rampait le scorpion. 
  Trimalcion foulait les os de Scipion. 
  Rome buvait, gaie, ivre et la face rougie;
  Et l’odeur du tombeau sortait de cette orgie. 
  L’amour et le bonheur, tout etait effrayant. 
  Lesbie en se faisant coiffer, heureuse, ayant
  Son Tibulle a ses pieds qui chantait leurs tendresses,
  Si l’esclave persane arrangeait mal ses tresses,
  Lui piquait les seins nus de son epingle d’or. 
  Le mal a travers l’homme avait pris son essor;
  Toutes les passions sortaient de leurs orbites. 
  Les fils aux vieux parents faisaient des morts subites. 
  Les rheteurs disputaient les tyrans aux bouffons. 
  La boue et l’or regnaient. . . . . . . . . . . . . . .
  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
  Rome horrible chantait.  Parfois, devant ses portes,
  Quelque Crassus, vainqueur d’esclaves et de rois,
  Plantait le grand chemin de vaincus mis en croix;
  Et, quand Catulle, amant que notre extase ecoute,
  Errait avec Delie, aux deux bords de la route,
  Six mille arbres humains saignaient sur leurs amours. 
  La gloire avait hante Rome dans les grands jours,
  Toute honte a present etait la bienvenue.
  . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
  Epaphrodite avait un homme pour hochet
  Et brisait en jouant les membres d’Epictete. 
  Femme grosse, vieillard debile, enfant qui tette,
  Captifs, gladiateurs, chretiens, etaient jetes
  Aux betes, et, tremblants, blemes, ensanglantes,
  Fuyaient, et l’agonie effaree et vivante
  Se tordait dans le cirque, abime d’epouvante. 
  Pendant que l’ours grondait, et que les elephants,
  Effroyables, marchaient sur les petits enfants,
  La vestale songeait dans sa chaise de marbre. 
  Par moments, le trepas, comme le fruit d’un arbre,
  Tombait du front pensif de la pale beaute;
  Le meme eclair de meurtre et de ferocite
  Passait de l’oeil du tigre au regard de la vierge. 
  Le monde etait le bois, l’empire etait l’auberge. 
  De noirs passants trouvaient le trone en leur chemin,
  Entraient, donnaient un coup de dent au genre humain,
  Puis s’en allaient.  Neron venait apres Tibere. 
  Cesar foulait aux pieds le Hun, le Goth, l’Ibere;
  Et l’empereur, pareil aux fleurs qui durent peu,
  Le soir etait charogne a moins qu’il ne fut dieu. 
  Le porc Vitellius roulait aux gemonies. 
  Escalier des grandeurs et des ignominies,
  Bagne effrayant des morts, pilori des neants,
  Saignant, fumant, infect, ce charnier de geants
  Semblait fait pour pourrir le squelette

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