Selected Prose of Oscar Wilde eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 117 pages of information about Selected Prose of Oscar Wilde.

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Ah! tu n’as pas voulu me laisser baiser ta bouche, Iokanaan.  Eh bien! je la baiserai maintenant.  Je la mordrai avec mes dents comme on mord un fruit mur.  Oui, je baiserai ta bouche, Iokanaan.  Je te l’ai dit, n’est-ce pas? je te l’ai dit.  Eh bien! je la baiserai maintenant . . .  Mais pourquoi ne me regardes-tu pas, Iokanaan?  Tes yeux qui etaient si terribles, qui etaient si pleins de colere et de mepris, ils sont fermes maintenant.  Pourquoi sont-ils fermes?  Ouvre tes yeux!  Souleve tes paupieres, Iokanaan.  Pourquoi ne me regardes-tu pas?  As-tu peur de moi, Iokanaan, que tu ne veux pas me regarder? . . .  Et ta langue qui etait comme un serpent rouge dardant des poisons, elle ne remue plus, elle ne dit rien maintenant, Iokanaan, cette vipere rouge qui a vomi son venin sur moi.  C’est etrange, n’est-ce pas?  Comment se fait-il que la vipere rouge ne remue plus? . . .  Tu n’as pas voulu de moi, Iokanaan.  Tu m’as rejetee.  Tu m’as dit des choses infames.  Tu m’as traitee comme une courtisane, comme une prostituee, moi, Salome, fille d’Herodias, Princesse de Judee!  Eh bien, Iokanaan, moi je vis encore, mais toi tu es mort et ta tete m’appartient.  Je puis en faire ce que je veux.  Je puis la jeter aux chiens et aux oiseaux de l’air.  Ce que laisseront les chiens, les oiseaux de l’air le mangeront . . .  Ah!  Iokanaan, Iokanaan, tu as ete le seul homme que j’ai aime.  Tous les autres hommes m’inspirent du degout.  Mais, toi, tu etais beau.  Ton corps etait une colonne d’ivoire sur un socle d’argent.  C’etait un jardin plein de colombes et de lis d’argent.  C’etait une tour d’argent ornee de boucliers d’ivoire.  Il n’y avait rien au monde d’aussi blanc que ton corps.  Il n’y avait rien au monde d’aussi noir que tes cheveux.  Dans le monde tout entier il n’y avait rien d’aussi rouge que ta bouche.  Ta voix etait un encensoir qui repandait d’etranges parfums, et quand je te regardais j’entendais une musique etrange!  Ah! pourquoi ne m’as-tu pas regardee, Iokanaan?  Derriere tes mains et tes blasphemes tu as cache ton visage.  Tu as mis sur tes yeux le bandeau de celui qui veut voir son Dieu.  Eh bien, tu l’as vu, ton Dieu, Iokanaan, mais moi, moi . . . tu ne m’as jamais vue.  Si tu m’avais vue, tu m’aurais aimee.  Moi, je t’ai vu, Iokanaan, et je t’ai aime.  Oh! comme je t’ai aime.  Je t’aime encore, Iokanaan.  Je n’aime que toi . . .  J’ai soif de ta beaute.  J’ai faim de ton corps.  Et ni le vin, ni les fruits ne peuvent apaiser mon desir.  Que ferai-je, Iokanaan, maintenant?  Ni les fleuves ni les grandes eaux, ne pourraient eteindre ma passion.  J’etais une Princesse, tu m’as dedaignee.  J’etais une vierge, tu m’as defloree.  J’etais chaste, tu as rempli mes veines de feu . . .  Ah!  Ah! pourquoi ne m’as-tu pas regardee, Iokanaan?  Si tu m’avais regardee tu m’aurais aimee.  Je sais bien que tu m’aurais aimee, et le mystere de l’amour est plus grand que le mystere de la mort.  Il ne faut regarder que l’amour.—­Salome.

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