A Selection from the Comedies of Marivaux eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 327 pages of information about A Selection from the Comedies of Marivaux.

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SCENE IX.

DORANTE.  SILVIA.

DORANTE.

Lisette, quelque eloignement que tu aies pour moi, je suis force de te parler; je crois que j’ai a me plaindre de toi.

SILVIA.

Bourguignon, ne nous tutoyons plus, je t’en prie.

DORANTE.

Comme tu voudras.

SILVIA.

Tu n’en fais pourtant rien.

DORANTE.

Ni toi non plus; tu me dis:  “Je t’en prie.”

SILVIA.

C’est que cela m’est echappe.

DORANTE.

Eh bien! crois-moi, parlons comme nous pourrons:  ce n’est pas la peine de nous gener pour le peu de temps que nous avons a nous voir.

SILVIA.

Est-ce que ton maitre s’en va?  Il n’y auroit pas grande perte.

DORANTE.

Ni a moi[146] non plus, n’est-il pas vrai?  J’acheve ta pensee.

SILVIA.

Je l’acheverois bien moi-meme, si j’en avois envie; mais je ne songe pas a toi.

DORANTE.

Et moi, je ne te perds point de vue.

SILVIA.

Tiens, Bourguignon, une bonne fois pour toutes, demeure, va-t-en, reviens, tout cela doit m’etre indifferent, et me l’est en effet:  je ne te veux ni bien ni mal; je ne te hais, ni ne t’aime, ni ne t’aimerai, a moins que l’esprit ne me tourne, Voila mes dispositions; ma raison ne m’en permet point d’autres, et je devrois me dispenser de te le dire.

DORANTE.

Mon malheur est inconcevable:  tu m’otes peut-etre tout le repos de ma vie.

SILVIA.

Quelle fantaisie il s’est alle mettre dans l’esprit!  Il me fait de la peine.  Reviens a toi.  Tu me parles, je te reponds:  c’est beaucoup, c’est trop meme, tu peux m’en croire, et, si tu etois instruit, en verite, tu serois content de moi; tu me trouverais d’une bonte sans exemple, d’une bonte que je blamerois dans une autre.  Je ne me la reproche pourtant pas; le fond de mon coeur me rassure:  ce que je fais est louable, c’est par generosite que je te parle; mais il ne faut pas que cela dure:  ces generosites-la ne sont bonnes qu’en passant,[147] et je ne suis pas faite pour me rassurer toujours[148] sur l’innocence de mes intentions.  A la fin, cela ne ressembleroit plus a rien.[149] Ainsi, finissons, Bourguignon; finissons, je t’en prie.  Qu’est-ce que cela signifie?  C’est se moquer.  Allons, qu’il n’en soit plus parle.

DORANTE.

Ah! ma chere Lisette, que je souffre!

SILVIA.

Venons a ce que te voulois me dire.  Tu te plaignois de moi quand tu es entre:  de quoi etoit-il question?

DORANTE.

De rien, d’une bagatelle; j’avois envie de te voir, et je crois que je n’ai pris qu’un pretexte.

SILVIA, a part.

Que dire a cela?  Quand je m’en facherois, il n’en seroit ni plus ni moins.[150]

DORANTE.

Ta maitresse, en partant, a paru m’accuser de t’avoir parle au desavantage de mon maitre.

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