A Selection from the Comedies of Marivaux eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 327 pages of information about A Selection from the Comedies of Marivaux.

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DORANTE.

Je ne saurois changer de sentiment, Monsieur.

M. REMY.

Oh! le sot coeur! mon neveu; vous etes un imbecile, un insense; et je tiens celle que vous aimez pour une guenon,[76] si elle n’est pas de mon sentiment, n’est-il pas vrai, Madame? et ne le trouvez-vous pas extravagant?

ARAMINTE, doucement,

Ne le querellez point.  Il paroit avoir tort, j’en conviens.

M. REMY, vivement.

Comment!  Madame, il pourroit...

ARAMINTE.

Dans sa facon de penser je l’excuse.  Voyez pourtant, Dorante, tachez de vaincre votre penchant, si vous le pouvez; je sais bien que cela est difficile.

DORANTE.

Il n’y a pas moyen.  Madame, mon amour m’est plus cher que ma vie.

M. REMY, d’un air etonne.

Ceux qui aiment les beaux sentiments doivent etre contents; en voila un des plus curieux qui se fasse.[77] Vous trouvez donc cela raisonnable, Madame?

ARAMINTE.

Je vous laisse, parlez-lui vous-meme. (A part.) Il me touche tant qu’il faut que je m’en aille.

(Elle sort.)

DORANTE.

Il ne croit pas si bien me servir.

SCENE III.

DORANTE, M. REMY, MARTON.

M. REMY, regardant son neveu.

Dorante, sais-tu bien qu’il n’y a point de fou aux petites-maisons[78] de ta force? (Marton arrive.) Venez, Mademoiselle Marton.

MARTON.

Je viens d’apprendre que vous etiez ici.

M. REMY.

Dites-nous un peu votre sentiment; que pensez-vous de quelqu’un qui n’a point de bien, et qui refuse d’epouser une honnete et fort jolie femme, avec quinze mille livres de rente bien venants?[79]

MARTON.

Votre question est bien aisee a decider:  ce quelqu’un reve.

M. REMY, montrant Dorante.

Voila le reveur; et pour excuse il allegue son coeur, que vous avez pris; mais, comme apparemment[80] il n’a pas encore emporte le votre, et que je vous crois encore a peu pres dans tout votre bon sens, vu le peu de temps qu’il y a que vous le connoissez, je vous prie de m’aider a le rendre plus sage.  Assurement vous etes fort jolie, mais vous ne le disputerez point a un pareil etablissement:  il n’y a point de beaux yeux qui vaillent ce prix-la.

MARTON.

Quoi!  Monsieur Remy, c’est de Dorante dont vous parlez?  C’est pour se garder a moi qu’il refuse d’etre riche?

M. REMY.

Tout juste, et vous etes trop genereuse pour le souffrir.

MARTON, avec un air de passion.

Vous vous trompez, Monsieur, je l’aime trop moi-meme pour l’en empecher, et je suis enchantee.  Ah!  Dorante, que je vous estime!  Je n’aurois pas cru que vous m’aimassiez tant.

M. REMY.

Courage! je ne fais que vous le montrer, et vous en etes deja coiffee!  Pardi![81] le coeur d’une femme est bien etonnant; le feu y prend bien vite.

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