La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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lac;
Le vieillard Ocean, qu’effarouche la sonde,
Inquiet, a travers le verre de son onde,
Regardait le vaisseau de l’homme grossissant;
Ce vaisseau fut sur l’onde un terrible passant;
Les vagues fremissaient de l’avoir sur leurs croupes;
Ses sabords mugissaient; en guise de chaloupes,
Deux navires pendaient a ses portemanteaux;
Son armure etait faite avec tous les metaux;
Un prodigieux cable ourlait sa grande voile;
Quand il marchait, fumant, grondant, couvert de toile,
Il jetait un tel rale a l’air epouvante
Que toute l’eau tremblait, et que l’immensite
Comptait parmi ses bruits ce grand frisson sonore. 
La nuit, il passait rouge ainsi qu’un meteore;
Sa voilure, ou l’oreille entendait le debat
Des souffles, subissant ce greement comme un bat,
Ses hunes, ses grelins, ses palans, ses amures,
Etaient une prison de vents et de murmures;
Son ancre avait le poids d’une tour; ses parois
Voulaient les flots, trouvant tous les ports trop etroits;
Son ombre humiliait au loin toutes les proues;
Un telegraphe etait son porte-voix; ses roues
Forgeaient la sombre mer comme deux grands marteaux;
Les flots se le passaient comme des piedestaux
Ou, calme, ondulerait un triomphal colosse: 
L’abime s’abregeait sous sa lourdeur veloce;
Pas de lointain pays qui pour lui ne fut pres;
Madere apercevait ses mats, trois jours apres
L’Hekla l’entrevoyait dans la lueur polaire. 
La bataille montait sur lui dans sa colere. 
La guerre etait sacree et sainte en ce temps-la;
Rien n’egalait Nemrod si ce n’est Attila;
Et les hommes, depuis les premiers jours du monde,
Sentant peser sur eux la misere infeconde,
Les pestes, les fleaux lugubres et railleurs,
Cherchant quelque moyen d’amoindrir leurs douleurs,
Pour etablir entre eux de justes equilibres,
Pour etre plus heureux, meilleurs, plus grands, plus libres,
Plus dignes du ciel pur qui les daigne eclairer,
Avaient imagine de s’entre-devorer. 
Ce sinistre vaisseau les aidait dans leur oeuvre. 
Lourd comme le dragon, prompt comme la couleuvre,
Il couvrait l’ocean de ses ailes de feu;
La terre s’effrayait quand sur l’horizon bleu
Rampait l’allongement hideux de sa fumee,
Car c’etait une ville et c’etait une armee;
Ses pavois fourmillaient de mortiers et d’affuts,
Et d’un herissement de bataillons confus;
Ses grappins menacaient; et, pour les abordages,
On voyait sur ses ponts des rouleaux de cordages
Monstrueux, qui semblaient des boas endormis;
Invincible, en ces temps de freres ennemis,
Seul, de toute une flotte il affrontait l’emeute,
Ainsi qu’un elephant au milieu d’une meute;
La bordee a ses pieds fumait comme un encens,
Ses flancs engloutissaient les boulets impuissants,
Il allait broyant tout dans l’obscure melee,
Et, quand, epouvantable, il lachait sa volee,
On voyait flamboyer son colossal beaupre,
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