La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Alors, lachant la pierre echappee a sa main,
  Un des enfants—­celui qui conte cette histoire—­
  Sous la voute infinie a la fois bleue et noire,
  Entendit une voix qui lui disait:  Sois bon!

  Bonte de l’idiot! diamant du charbon! 
  Sainte enigme! lumiere auguste des tenebres! 
  Les celestes n’ont rien de plus que les funebres,
  Si les funebres, groupe aveugle et chatie,
  Songent, et, n’ayant pas la joie, ont la pitie. 
  O spectacle sacre! l’ombre secourant l’ombre,
  L’ame obscure venant en aide a l’ame sombre,
  Le stupide, attendri, sur l’affreux se penchant,
  Le damne bon faisant rever l’elu mechant! 
  L’animal avancant lorsque l’homme recule! 
  Dans la serenite du pale crepuscule,
  La brute par moments pense et sent qu’elle est soeur
  De la mysterieuse et profonde douceur;
  Il suffit qu’un eclair de grace brille en elle
  Pour qu’elle soit egale a l’etoile eternelle: 
  Le baudet qui, rentrant le soir, surcharge, las,
  Mourant, sentant saigner ses pauvres sabots plats,
  Fait quelques pas de plus, s’ecarte et se derange
  Pour ne pas ecraser un crapaud dans la fange,
  Cet ane abject, souille, meurtri sous le baton,
  Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon. 
  Tu cherches, philosophe?  O penseur, tu medites? 
  Veux-tu trouver le vrai sous nos brumes maudites? 
  Crois, pleure, abime-toi dans l’insondable amour! 
  Quiconque est bon voit clair dans l’obscur carrefour;
  Quiconque est bon habite un coin du ciel.  O sage,
  La bonte, qui du monde eclaire le visage,
  La bonte, ce regard du matin ingenu,
  La bonte, pur rayon qui chauffe l’inconnu,
  Instinct qui dans la nuit et dans la souffrance aime,
  Est le trait d’union ineffable et supreme
  Qui joint, dans l’ombre, helas! si lugubre souvent,
  Le grand ignorant, l’ane, a Dieu, le grand savant.

LES PAUVRES GENS

I

  Il est nuit.  La cabane est pauvre, mais bien close. 
  Le logis est plein d’ombre, et l’on sent quelque chose
  Qui rayonne a travers ce crepuscule obscur. 
  Des filets de pecheur sont accroches au mur. 
  Au fond, dans l’encoignure ou quelque humble vaisselle
  Aux planches d’un bahut vaguement etincelle,
  On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants. 
  Tout pres, un matelas s’etend sur de vieux bancs,
  Et cinq petits enfants, nid d’ames, y sommeillent. 
  La haute cheminee ou quelques flammes veillent
  Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
  Une femme a genoux prie, et songe et palit. 
  C’est la mere.  Elle est seule.  Et dehors, blanc d’ecume,
  Au ciel, aux vents, aux rocs, a la nuit, a la brume,
  Le sinistre ocean jette son noir sanglot.

II

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