La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  A la vie, au progres, au droit, devot a Rome;
  C’etait Satan regnant au nom de Jesus-Christ;
  Les choses qui sortaient de son nocturne esprit
  Semblaient un glissement sinistre de viperes. 
  L’Escurial, Burgos, Aranjuez, ses repaires,
  Jamais n’illuminaient leurs livides plafonds;
  Pas de festins, jamais de cour, pas de bouffons;
  Les trahisons pour jeu, l’auto-da-fe pour fete. 
  Les rois troubles avaient au-dessus de leur tete
  Ses projets dans la nuit obscurement ouverts;
  Sa reverie etait un poids sur l’univers;
  Il pouvait et voulait tout vaincre et tout dissoudre;
  Sa priere faisait le bruit sourd d’une foudre;
  De grands eclairs sortaient de ses songes profonds. 
  Ceux auxquels il pensait disaient:  Nous etouffons. 
  Et les peuples, d’un bout a l’autre de l’empire,
  Tremblaient, sentant sur eux ces deux yeux fixes luire.

  Charles fut le vautour, Philippe est le hibou.

  Morne en son noir pourpoint, la toison d’or au cou,
  On dirait du destin la froide sentinelle;
  Son immobilite commande; sa prunelle
  Luit comme un soupirail de caverne; son doigt
  Semble, ebauchant un geste obscur que nul ne voit,
  Donner un ordre a l’ombre et vaguement l’ecrire. 
  Chose inouie! il vient de grincer un sourire. 
  Un sourire insondable, impenetrable, amer. 
  C’est que la vision de son armee en mer
  Grandit de plus en plus dans sa sombre pensee;
  C’est qu’il la voit voguer par son dessein poussee,
  Comme s’il etait la, planant sous le zenith;
  Tout est bien; l’ocean docile s’aplanit,
  L’armada lui fait peur comme au deluge l’arche;
  La flotte se deploie en bon ordre de marche,
  Et, les vaisseaux gardant les espaces fixes,
  Echiquier de tillacs, de ponts, de mats dresses,
  Ondule sur les eaux comme une immense claie. 
  Ces vaisseaux sont sacres, les flots leur font la haie;
  Les courants, pour aider les nefs a debarquer,
  Ont leur besogne a faire et n’y sauraient manquer;
  Autour d’elles la vague avec amour deferle,
  L’ecueil se change en port, l’ecume tombe en perle
  Voici chaque galere avec son gastadour;
  Voila ceux de l’Escaut, voila ceux de l’Adour;
  Les cent mestres de camp et les deux connetables;
  L’Allemagne a donne ses ourques redoutables,
  Naples ses brigantins, Cadix ses galions,
  Lisbonne ses marins, car il faut des lions. 
  Et Philippe se penche, et, qu’importe l’espace? 
  Non seulement il voit, mais il entend.  On passe,
  On court, on va.  Voici le cri des porte-voix,
  Le pas des matelots courant sur les pavois,
  Les mocos, l’amiral appuye sur son page,
  Les tambours, les sifflets des maitres d’equipage,
  Les signaux pour la mer, l’appel pour les combats,
  Le fracas sepulcral et noir du branle-bas. 
  Sont-ce des cormorans? sont-ce des citadelles? 
  Les voiles font un vaste et sourd battement

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