La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Sigismond, sous ce mort qui plane, ivre d’horreur,
  Recule, sans la voir, vers la lugubre trappe;
  Soudain le mort s’abat et le cadavre frappe... 
  Eviradnus est seul.  Et l’on entend le bruit
  De deux spectres tombant ensemble dans la nuit. 
  Le preux se courbe au seuil du puits, son oeil y plonge,
  Et, calme, il dit tout bas, comme parlant en songe: 
  —­C’est bien! disparaissez, le tigre et le chacal!

XVIII LE JOUR REPARAIT

  Il reporte Mahaud sur le fauteuil ducal. 
  Et, de peur qu’au reveil elle ne s’inquiete,
  Il referme sans bruit l’infernale oubliette,
  Puis remet tout en ordre autour de lui, disant: 

  —­La chose n’a pas fait une goutte de sang;
  C’est mieux. 
  Mais, tout a coup, la cloche au loin eclate;
  Les monts gris sont bordes d’un long fil ecarlate;
  Et voici que, partant des branches de genet,
  Le peuple vient chercher sa dame; l’aube nait. 
  Les hameaux sont en branle, on accourt; et, vermeille,
  Mahaud, en meme temps que l’aurore, s’eveille;
  Elle pense rever et croit que le brouillard
  A pris ces jeunes gens pour en faire un vieillard,
  Et les cherche des yeux, les regrettant peut-etre;
  Eviradnus salue, et le vieux vaillant maitre,
  S’approchant d’elle avec un doux sourire ami: 
  —­Madame, lui dit-il, avez-vous bien dormi?

SULTAN MOURAD

I

  Mourad, fils du sultan Bajazet, fut un homme
  Glorieux, plus qu’aucun des Tiberes de Rome;
  Dans son serail veillaient les lions accroupis,
  Et Mourad en couvrit de meurtres les tapis;
  On y voyait blanchir des os entre les dalles;
  Un long fleuve de sang de dessous ses sandales
  Sortait, et s’epandait sur la terre, inondant
  L’orient, et fumant dans l’ombre a l’occident;
  Il fit un tel carnage avec son cimeterre
  Que son cheval semblait au monde une panthere;
  Sous lui Smyrne et Tunis, qui regretta ses beys,
  Furent comme des corps qui pendent aux gibets;
  Il fut sublime; il prit, melant la force aux ruses,
  Le Caucase aux Kirghis et le Liban aux Druses;
  Il fit, apres l’assaut, pendre les magistrats
  D’Ephese, et rouer vifs les pretres de Patras;
  Grace a Mourad, suivi des victoires rampantes,
  Le vautour essuyait son bec fauve aux charpentes
  Du temple de Thesee encor pleines de clous;
  Grace a lui, l’on voyait dans Athenes des loups,
  Et la ronce couvrait de sa verte tunique
  Tous ces vieux pans de murs ecroules, Salonique,
  Corinthe, Argos, Varna, Tyr, Didymothicos,
  Ou l’on n’entendait plus parler que les echos;
  Mourad fut saint; il fit etrangler ses huit freres;
  Comme les deux derniers, petits, cherchaient leurs meres
  Et s’enfuyaient, avant de les faire mourir
  Tout autour de la chambre il les laissa

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