La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Que font-ils la, debout et droits?  Qu’attendent-ils? 
  L’aveuglement remplit l’armet aux durs sourcils. 
  L’arbre est la sans la seve et le heros sans l’ame;
  Ou l’on voit des yeux d’ombre on vit des yeux de flamme;
  La visiere aux trous ronds sert de masque au neant;
  Le vide s’est fait spectre et rien s’est fait geant;
  Et chacun de ces hauts cavaliers est l’ecorce
  De l’orgueil, du defi, du meurtre et de la force;
  Le sepulcre glace les tient; la rouille mord
  Ces grands casques epris d’aventure et de mort,
  Que baisait leur maitresse auguste, la banniere;
  Pas un brassard ne peut remuer sa charniere;
  Les voila tous muets, eux qui rugissaient tous,
  Et, grondant et grincant, rendaient les clairons fous;
  Le heaume affreux n’a plus de cri dans ses gencives;
  Ces armures, jadis fauves et convulsives,
  Ces hauberts, autrefois pleins d’un souffle irrite,
  Sont venus s’echouer dans l’immobilite,
  Regarder devant eux l’ombre qui se prolonge,
  Et prendre dans la nuit la figure du songe.

  Ces deux files, qui vont depuis le morne seuil
  Jusqu’au fond ou l’on voit la table et le fauteuil,
  Laissent entre leurs fronts une ruelle etroite;
  Les marquis sont a gauche et les ducs sont a droite;
  Jusqu’au jour ou le toit que Spignus crenela,
  Charge d’ans, croulera sur leur tete, ils sont la,
  Inegaux face a face, et pareils cote a cote. 
  En dehors des deux rangs, en avant, tete haute,
  Comme pour commander le funebre escadron
  Qu’eveillera le bruit du supreme clairon,
  Les vieux sculpteurs ont mis un cavalier de pierre,
  Charlemagne, ce roi qui de toute la terre
  Fit une table ronde a douze chevaliers.

  Les cimiers surprenants, tragiques, singuliers,
  Cauchemars entrevus dans le sommeil sans bornes,
  Sirenes aux seins nus, melusines, licornes,
  Farouches bois de cerfs, aspics, alerions,
  Sur la rigidite des pales morions,
  Semblent une foret de monstres qui vegete;
  L’un penche en avant, l’autre en arriere se jette;
  Tous ces etres, dragons, cerberes orageux,
  Que le bronze et le reve ont crees dans leurs jeux,
  Lions volants, serpents ailes, guivres palmees,
  Faits pour l’effarement des livides armees,
  Especes de demons composes de terreur,
  Qui sur le heaume altier des barons en fureur
  Hurlaient, accompagnant la banniere geante,
  Sur les cimiers glaces songent, gueule beante,
  Comme s’ils s’ennuyaient, trouvant les siecles longs;
  Et, regrettant les morts saignant sous les talons,
  Les trompettes, la poudre immense, la bataille,
  Le carnage, on dirait que l’Epouvante baille. 
  Le metal fait reluire, en reflets durs et froids,
  Sa grande larme au mufle obscur des palefrois;
  De ces spectres pensifs l’odeur des temps s’exhale;
  Leur ombre est formidable au plafond de

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