La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Veut des ports, il a pris toute la mer Celtique,
  Sur tous les flots du nord il pousse ses dromons,
  L’Islande voit passer ses navires demons;
  L’Allemand brule Anvers et conquiert les deux Prusses,
  Le Polonais secourt Spotocus, duc des Russes,
  Comme un plus grand boucher en aide un plus petit;
  Le roi prend, l’empereur pille, usurpe, investit;
  L’empereur fait la guerre a l’ordre teutonique,
  Le roi sur le Jutland pose son pied cynique;
  Mais, qu’ils brisent le faible ou qu’ils trompent le fort,
  Quoi qu’ils fassent, ils ont pour loi d’etre d’accord;
  Des geysers du pole aux cites transalpines,
  Leurs ongles monstrueux, crispes sur des rapines,
  Egratignent le pale et triste continent. 
  Et tout leur reussit.  Chacun d’eux, rayonnant,
  Mene a fin tous ses plans laches ou temeraires,
  Et regne; et, sous Satan paternel, ils sont freres;
  Ils s’aiment; l’un est fourbe et l’autre est deloyal,
  Ils sont les deux bandits du grand chemin royal. 
  O les noirs conquerants! et quelle oeuvre ephemere! 
  L’ambition, branlant ses tetes de chimere,
  Sous leur crane brumeux, fetide et sans clarte,
  Nourrit la pourriture et la sterilite;
  Ce qu’ils font est neant et cendre; une hydre allaite,
  Dans leur ame nocturne et profonde, un squelette. 
  Le Polonais sournois, l’Allemand hasardeux,
  Remarquent qu’a cette heure une femme est pres d’eux;
  Tous deux guettent Mahaud.  Et naguere avec rage,
  De sa bouche qu’empourpre une lueur d’orage
  Et d’ou sortent des mots pleins d’ombre et teints de sang,
  L’empereur a jete cet eclair menacant: 
  —­L’empire est las d’avoir au dos cette besace
  Qu’on appelle la haute et la basse Lusace,
  Et dont la pesanteur, qui nous met sur les dents,
  S’accroit quand par hasard une femme est dedans.—­
  Le Polonais se tait, epie et patiente.

  Ce sont deux grands dangers; mais cette insouciante
  Sourit, gazouille et danse, aime les doux propos,
  Se fait benir du pauvre et reduit les impots;
  Elle est vive, coquette, aimable et bijoutiere;
  Elle est femme toujours; dans sa couronne altiere,
  Elle choisit la perle, elle a peur du fleuron;
  Car le fleuron tranchant, c’est l’homme et le baron. 
  Elle a des tribunaux d’amour qu’elle preside;
  Aux copistes d’Homere elle paye un subside;
  Elle a tout recemment accueilli dans sa cour
  Deux hommes, un luthier avec un troubadour,
  Dont on ignore tout, le nom, le rang, la race,
  Mais qui, conteurs charmants, le soir, sur la terrasse,
  A l’heure ou les vitraux aux brises sont ouverts,
  Lui font de la musique et lui disent des vers.

  Or, en juin, la Lusace, en aout, les Moraves,
  Font la fete du trone et sacrent leurs margraves: 
  C’est aujourd’hui le jour du burg mysterieux;
  Mahaud viendra ce soir souper chez ses aieux.

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