La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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II

EVIRADNUS

                                          Eviradnus,
  Vieux, commence a sentir le poids des ans chenus;
  Mais c’est toujours celui qu’entre tous on renomme,
  Le preux que nul n’a vu de son sang econome;
  Chasseur du crime, il est nuit et jour a l’affut;
  De sa vie il n’a fait d’action qui ne fut
  Sainte, blanche et loyale, et la grande pucelle,
  L’epee, en sa main pure et sans tache etincelle. 
  C’est le Samson chretien, qui, survenant a point,
  N’ayant pour enfoncer la porte que son poing,
  Entra, pour la sauver, dans Sickingen en flamme;
  Qui, s’indignant de voir honorer un infame,
  Fit, sous son dur talon, un tas d’arceaux rompus
  Du monument bati pour l’affreux duc Lupus,
  Arracha la statue, et porta la colonne
  Du munster de Strasbourg au pont de Wasselonne,
  Et la, fier, la jeta dans les etangs profonds;
  On vante Eviradnus d’Altorf a Chaux-de-Fonds;
  Quand il songe et s’accoude, on dirait Charlemagne;
  Rodant, tout herisse, du bois a la montagne,
  Velu, fauve, il a l’air d’un loup qui serait bon;
  Il a sept pieds de haut comme Jean de Bourbon;
  Tout entier au devoir qu’en sa pensee il couve,
  Il ne se plaint de rien, mais seulement il trouve
  Que les hommes sont bas et que les lits sont courts;
  Il ecoute partout si l’on crie au secours;
  Quand les rois courbent trop le peuple, il le redresse
  Avec une intrepide et superbe tendresse;
  Il defendit Alix comme Diegue Urraca;
  Il est le fort, ami du faible; il attaqua
  Dans leurs antres les rois du Rhin, et dans leurs bauges
  Les barons effrayants et difformes des Vosges;
  De tout peuple orphelin il se faisait l’aieul;
  Il mit en liberte les villes; il vint seul
  De Hugo Tete-d’Aigle affronter la caverne;
  Bon, terrible, il brisa le carcan de Saverne,
  La ceinture de fer de Schelestadt l’anneau
  De Colmar et la chaine au pied de Haguenau
  Tel fut Eviradnus.  Dans l’horrible balance
  Ou les princes jetaient le dol, la violence,
  L’iniquite, l’horreur, le mal, le sang, le feu,
  Sa grande epee etait le contre-poids de Dieu. 
  Il est toujours en marche, attendu qu’on moleste
  Bien des infortunes sous voute celeste,
  Et qu’on voit dans la nuit bien des mains supplier;
  Sa lance n’aime pas moisir au ratelier;
  Sa hache de bataille aisement se decroche;
  Malheur a l’action mauvaise qui s’approche
  Trop pres d’Eviradnus, le champion d’acier! 
  La mort tombe de lui comme l’eau du glacier. 
  Il est heros; il a pour cousine la race
  Des Amadis de France et des Pyrrhus de Thrace. 
  Il rit des ans.  Cet homme, a qui le monde entier
  N’eut pas fait dire Grace! et demander quartier,
  Ira-t-il pas crier au temps:  Misericorde! 
  Il s’est, comme Baudoin, ceint les

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