La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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du monde. 
  Des tortures ralaient sur cette rampe immonde,
  Juifs sans langue, poltrons sans poings, larrons sans yeux;
  Ainsi que dans le cirque atroce et furieux
  L’agonie etait la, hurlant sur chaque marche. 
  Le noir gouffre cloaque au fond ouvrait son arche
  Ou croulait Rome entiere; et, dans l’immense egout,
  Quand le ciel juste avait foudroye coup sur coup,
  Parfois deux empereurs, chiffres du fatal nombre,
  Se rencontraient, vivants encore, et, dans cette ombre,
  Ou les chiens sur leurs os venaient macher leur chair,
  Le cesar d’aujourd’hui heurtait celui d’hier. 
  Le crime sombre etait l’amant du vice infame. 
  Au lieu de cette race en qui Dieu mit sa flamme,
  Au lieu d’Eve et d’Adam, si beaux, si purs tous deux,
  Une hydre se trainait dans l’univers hideux;
  L’homme etait une tete et la femme etait l’autre. 
  Rome etait la truie enorme qui se vautre. 
  La creature humaine, importune au ciel bleu,
  Faisait une ombre affreuse a la cloison de Dieu;
  Elle n’avait plus rien de sa forme premiere;
  Son oeil semblait vouloir foudroyer la lumiere;
  Et l’on voyait, c’etait la veille d’Attila,
  Tout ce qu’on avait eu de sacre jusque-la
  Palpiter sous son ongle; et pendre a ses machoires,
  D’un cote les vertus et de l’autre les gloires. 
  Les hommes rugissaient quand ils croyaient parler. 
  L’ame du genre humain songeait a s’en aller;
  Mais, avant de quitter a jamais notre monde,
  Tremblante, elle hesitait sous la voute profonde,
  Et cherchait une bete ou se refugier. 
  On entendait la tombe appeler et crier. 
  Au fond, la pale Mort riait sinistre et chauve. 
  Ce fut alors que toi, ne dans le desert fauve
  Ou le soleil est seul avec Dieu, toi, songeur
  De l’antre que le soir emplit de sa rougeur,
  Tu vins dans la cite toute pleine de crimes;
  Tu frissonnas devant tant d’ombre et tant d’abimes;
  Ton oeil fit, sur ce monde horrible et chatie,
  Flamboyer tout a coup l’amour et la pitie;
  Pensif tu secouas ta criniere sur Rome;
  Et, l’homme etant le monstre, o lion, tu fus l’homme.

II

LE MARIAGE DE ROLAND

  Ils se battent—­combat terrible!—­corps a corps. 
  Voila deja longtemps que leurs chevaux sont morts;
  Ils sont la seuls tous deux dans une ile du Rhone. 
  Le fleuve a grand bruit roule un flot rapide et jaune,
  Le vent trempe en sifflant les brins d’herbe dans l’eau. 
  L’archange saint Michel attaquant Apollo
  Ne ferait pas un choc plus etrange et plus sombre. 
  Deja, bien avant l’aube, ils combattaient dans l’ombre. 
  Qui, cette nuit, eut vu s’habiller ces barons,
  Avant que la visiere eut derobe leurs fronts,
  Eut vu deux pages blonds, roses comme des filles. 
  Hier, c’etaient deux enfants riant a leurs familles,

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