La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

  Sa dimension vague, ineffable, spectrale,
  Sortant de l’eternel, entrait dans l’absolu. 
  Pour pouvoir mesurer ce tube, il eut fallu
  Prendre la toise au fond du reve, et la coudee
  Dans la profondeur trouble et sombre de l’idee;
  Un de ses bouts touchait le bien, l’autre le mal;
  Et sa longueur allait de l’homme a l’animal,
  Quoiqu’on ne vit point la d’animal et point d’homme;
  Couche sur terre, il eut joint Eden a Sodome.

  Son embouchure, gouffre ou plongeait mon regard,
  Cercle de l’inconnu tenebreux et hagard,
  Pleine de cette horreur que le mystere exhale,
  M’apparaissait ainsi qu’une offre colossale
  D’entrer dans l’ombre ou Dieu meme est evanoui. 
  Cette gueule, avec l’air d’un redoutable ennui,
  Morne, s’elargissait sur l’homme et la nature,
  Et cette epouvantable et muette ouverture
  Semblait le baillement noir de l’eternite.

  Au fond de l’immanent et de l’illimite,
  Parfois, dans les lointains sans nom de l’Invisible,
  Quelque chose tremblait de vaguement terrible,
  Et brillait et passait, inexprimable eclair. 
  Toutes les profondeurs des mondes avait l’air
  De mediter, dans l’ombre ou l’ombre se repete,
  L’heure ou l’on entendrait de cette apre trompette
  Un appel aussi long que l’infini jaillir. 
  L’immuable semblait d’avance en tressaillir.

  Des porches de l’abime, antres hideux, cavernes
  Que nous nommons enfers, puits, gehennams, avernes,
  Bouches d’obscurite qui ne prononcent rien;
  Du vide ou ne flottait nul souffle aerien;
  Du silence ou l’haleine osait a peine eclore,
  Ceci se degageait pour l’ame:  Pas encore.

  Par instants, dans ce lieu triste comme le soir,
  Comme on entend le bruit de quelqu’un qui vient voir,
  On entendait le pas boiteux de la justice;
  Puis cela s’effacait.  Des vermines, le vice,
  Le crime, s’approchaient; et, fourmillement noir,
  Fuyaient.  Le clairon sombre ouvrait son entonnoir. 
  Un groupe d’ouragans dormait dans ce cratere,
  Comme cet organum des gouffres doit se taire
  Jusqu’au jour monstrueux ou nous ecarterons
  Les clous de notre biere au-dessus de nos fronts,
  Nul bras ne le touchait dans l’invisible sphere;
  Chaque race avait fait sa couche de poussiere
  Dans l’orbe sepulcral de son evasement;
  Sur cette poudre l’oeil lisait confusement
  Ce mot:  RIEZ, ecrit par le doigt d’Epicure;
  Et l’on voyait, au fond de la rondeur obscure,
  La toile d’araignee horrible de Satan.

  Des astres qui passaient murmuraient:  ’Souviens-t’en! 
  Prie!’ et la nuit portait cette parole a l’ombre.

  Et je ne sentais plus ni le temps ni le nombre.

Copyrights
Project Gutenberg
La Légende des Siècles from Project Gutenberg. Public domain.